Je suis une vieille corde...
Images sur mots? Mots sur images? Imagination toujours. Voulez-vous que nous les partagions dans un petit atelier commun? Oui? Alors... Montez dans ma roulotte de toile et cheminons ensemble. Première direction: la Bretagne et la corde de Capitaine Luc. Pendant que vous vous installez confortablement, je passe devant. Profitez du paysage. Ici, on avance à petits pas, au fil des mots, au fil du temps...
Prêt(e)s? Larguez les amarres, c'est parti!
(Crédit photo Breizhimage.com)
Je suis une vieille corde, pourquoi t’arrêtes-tu sur moi ? Ca fait des années que je suis enroulée là, des années que plus personne ne me voit. Pourquoi ne fais-tu pas comme eux ? Ah non ! Ne me touche pas ! Continue ton chemin, ouste ! Tu es sourd en plus ? Non... Tu n’es pas sourd. A tes sourcils qui se froncent, je vois bien que tu fais partie des curieux, que tu ne me lâcheras pas. Tu te demandes, tu veux savoir... Alors je vais te dire. Mais reste loin, reste loin surtout !
Un jour, ceux qui pêchaient m’ont abandonnée comme une vieille chaussette usée. Ils ne m’ont même pas prévenue, ils sont juste partis et jamais revenus. Pendant des années, j’ai aidé leurs mains à me trouver pourtant. Plusieurs fois, alors que tout glissait, moi… Mais ils ne s’en sont même pas aperçus. Ils trouvaient ça normal, j’étais là pour ça. Ils n’ont pas vu que quand la tempête guettait, je me glissais à l’abri pour ne pas échapper à leurs doigts, pour ne pas les blesser. Une corde, on ne la voit pas. On peut bien la reléguer, la laisser s’effiler, ne plus lui donner de nœuds à couver. Une corde, ça n’a pas d’âme n'est-ce pas? Alors pourquoi cherches-tu la mienne ? Pourquoi viens-tu observer jusqu’à mes plus petites rides ? Pourquoi me renvoies-tu l’image de mon inutilité ? Va-t-en s’il te plaît, va-t-en! Tu ressembles trop à celui qui tranchera le dernier lien qui me relie à la vie. A celui qui me séparera à jamais de ce dernier amant avec qui nous vivons épousés depuis tant d’années. A celui qui se fichera de tous ces petits riens qui font ma vie : le soleil qui se lève, là, juste face à moi, les cliquetis des mats qui m’assoupissent, la pluie qui me transperce, le vent qui me tord et me lie un peu plus chaque fois à mon vieil amant.
Je veux oublier passant. Tu comprends ? Oublier. Alors va, va-t-en, passe ton chemin. Et ne reviens pas surtout, ne reviens plus.
(Libidule Créativ'image)