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2 décembre 2005

ma mère, mon aimée

d_cor_t_tes_de_femmes._libidule

(Création Libidule)

Paris, le 28 décembre 1870

Ma mère, mon aimée,

Voilà dix jours que vous êtes partie pour les collines de l'au-delà. Dans ce pays dont, paraît-il, on ne revient pas. Vous vous en êtes allée, seule, droite et presque gaie de quitter ce monde pour retrouver celui que vous aimiez. Celui qui, vous en étiez tellement sûre, vous attendait. J'espère que vous aviez raison et que vous voilà bien à gambader pour l'éternité auprès de votre fiancé. Mais Dieu que c'est dur de vous voir partie sans regret de me savoir seul, sans votre sourire si doux et vos yeux qui pétillent. Sans avoir pu vous dire combien je vous trouvais belle. Combien, petit garçon, j'aimais vous voir finir votre toilette, coiffer vos longs cheveux, écrire et même prier Dieu. Comme il m'arrivait de l'envier ce Dieu que vous regardiez  avec tant de candeur et d'intimité! Moi, le petit garçon timide, arrivé dans votre vie par hasard. Ni désiré de ce mari de convenance, ni rejeté pourtant, mais là, loin de vos rêves, du pays de votre coeur, de votre passé, de votre avenir.

Images fugitives de moments de votre vie que je fus enfant quand, me prenant par la main, vous m'emmeniez au Bois de Saint-Germain. Vous me disiez alors que j'étais votre chevalier. Et moi, droit et fier, je roulais des yeux noirs à toute âme s'approchant. Alors, alors vous riiez maman. Et je riais aussi de vous voir si gaie. Oh, que je vous aimais alors! Toute pleine de vie, sentant bon votre "Eau de Guerlain" dont le parfum, parfois, me hante encore. Vous mavez vu grandir sans vous en apercevoir. D'ailleurs, vous traversiez la vie, légère comme une plume au vent, aérienne, sans effort, avec votre éternel sourire, en creux, dedans. Comment donc vous en vouloir de n'avoir jamais vu en moi votre enfant, mais un enfant. Puis un jeune homme de qui, depuis plus de dix ans, vous disiez qu'il avait vingt-et-un ans. Et comment ne pas vous aimer passionnément, vous, si belle au bois riant.

Voilà presque dix jours que vous êtes partie pour les collines de l'au-delà. Mais que c'est dur maman de vous savoir près de votre amant qui ne fut pas mon père. Malheureusement.

Votre fils encore, toujours et à jamais aimant,

Clément

La Griotte, lettre "reçue" le 5 septembre 1987, dans un train de nuit, entre Paris et Montpellier

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